Petites   et   Grandes   Histoires   de   ma   Vie


 

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~ Les incendies à Istamboul ~

 

      Comme tu as pu le constater toi même lors de ton voyage à Istamboul, les maisons particulières étaient pour la grande majorité construites en bois. Ce mode de construction était la cause d'incendies gigantesques, dont la propagation était favorisée d'un part par les vents très violents qui venaient en particulier de la mer Noire, et d'autre part par l'absence quasi totale de moyens de prévention: la distribution publique d'eau était pratiquement inexistante. A peine y avait-il dans les rues de certains quartiers de rares fontaines alimentées par de petites sources, souvent à sec en été. Il n'y avait pas de corps organisé de pompiers, mais seulement des équipes privées et irrégulières, dont les membres n'étaient pas toujours bien recommandables.

      Ces équipes disposaient de petites pompes à main, posées sur de longs brancards, et que les pompiers transportaient en posant sur leurs épaules les extrémités de ces brancards. Sitôt l'alerte donnée,(en particulier par les veilleurs de nuit qui faisaient retentir leurs grosses cannes, ferrées à la partie inférieure, en les cognant sur les pavés, et qui criaient: " Yan guine var " (Il y a le feu!)et donnaient le quartier et la rue où l'incendie s'était déclaré), on voyait arriver une petite horde d'individus hurlants, qui s'en allaient au pas de course sur le lieu de l'incendie. Ils utilisaient pour l'alimentation de leurs pompes l'eau des puits ou des citernes. Mais leur intervention avait malheureusement et surtout pour but de piller les pauvres sinistrés, qui avaient en toute hâte vidé leur maison de tous les objets ayant une certaine valeur.

      Je me rappelle encore que mon frère aîné, Albert, alors qu'il n'était encore qu'un adolescent d'une quinzaine d'années était à ce point indigné de la manière dont se comportaient les irréguliers, qu'il se rendait, en l'absence de toute force de police, sur les lieux des sinistres pour essayer, dans la mesure du possible d'empêcher les voleurs de parvenir à leurs fins. C'était l'un des traits marquants de son caractère, qui le poussait à porter assistance aux personnes de son entourage qui se trouvaient en difficultés.